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SUR DU GUESCLIN.

mais il n’en fut pas plûtôt entré quarante, que le tocsin sonna de la tour, et le guetteur crioit à pleine tête, trahy ! trahy ! fermez la porte, voicy Bertrand qui vient ! ces Anglais fugitifs nous ont vendus.

En effet il y avoit quelque vraysemblance de trahison : car on appercevoit du beffroy, où coururent les bourgeois en foule, tous les étendards de Guesclin, d’Olivier de Clisson, des maréchaux d’Andreghem et de Blainville, d’Alain de Beaumont, du vicomte de Rohan, du sire de Rochefort, de Carenloüet et de toutte l’élite de la France. Ces bourgeois ne se possedans point à la veüe de tout cet appareil de guerre qui les menaçoit, s’allerent imaginer que ces pauvres Anglois qui demandoient un asyle chez eux, étoient d’intelligence avec les François, et n’avoient souhaité l’entrée de leur ville que pour les livrer à leurs ennemis.

Dans cette fausse préoccupation d’esprit, ils se jetterent sur ces réfugiez innocens, et, sans avoir aucune indulgence pour eux, ils les tüerent tous, ne voulans point prêter l’oreille à leurs justes plaintes, ny aux raisons dont ils s’efforçoient de justifier leur conduite ; et fermerent ensuite leurs portes, et leverent leur pont sur le reste des Anglois, qui leur demandoient le passage. Bertrand vint fondre sur eux avec tout son monde. Ils se mirent d’abord en devoir de se bien defendre ; mais leur resistance fut vaine ; ils se virent bientôt accablez par la multitude et tous enveloppez. Ceux qui survécurent à leur défaite furent arrêtez prisonniers. Guesclin tâcha de garder la justice distributive dans le partage des dépoüilles, mais il n’en put venir à bout, et la difficulté fut encore