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SUR DU GUESCLIN.

leur nation vouloit qu’on n’imputât pas leur victoire à une surprise qui auroit un air de trahison, d’autant plus qu’étant deux contre un, les François seroient obligez de ceder à la multitude. Cet avis ayant été suivy de tout le monde, on ne songea plus qu’à l’executer ; mais avant que de faire le premier mouvement là dessus, on envoya quelques coureurs pour reconnoître auparavant en quelle assiette étoient les François ; car les Anglois avoient tant de fierté, qu’ils apprehendoient que si leurs ennemis avoient le vent de leurs approches, ils ne levassent aussitôt le siege de Cisay pour prendre la fuite. Ils marcherent donc dans une fort belle ordonnance au nombre de douze cens.

Le spectacle de touttes ces toiles blanches et de ces croix rouges dont ils étoient vétus, jettoit un éclat par toutte la campagne. Ils avoient outre cela quatre cens archers montez à l’avantage, ayant chacun le casque en tête, et la lance au poing, vêtus de croix rouges et de toile comme les fantassins. Leurs drapeaux, que le vent agitoit au soleil, contribuoient beaucoup à rendre leur contenance plus brave et plus fiere. Tout cet appareil jetta quelque étonnement dans l’ame des François, qui croyoient n’avoir pas des forces suffisantes pour résister à tant d’ennemis. Bertrand s’aperçut de leur crainte, et pour leur relever le courage, il leur dit dans son langage du quatorziême siècle : Je octroye qu’on me trenche les membres se vous ne bèes aujourd’huy l’orgueil des Anglois trebuchier. Cette parole, prononcée d’un ton fort hardy, les rassura dans le même instant. Il partagea ses troupes en trois