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ANCIENS MÉMOIRES

grand homme ; car après avoir demandé le pardon de ses pechez à son Dieu, d’un air fort contrit, il luy recommanda la sacrée personne de Charles le Sage, son bon maître, celle des ducs d’Anjou, de Bourgogne et de Berry, celle aussi de sa chere femme, qui avoit pris un si grand soin de luy, et pour laquelle il avoit toûjours eu des tendresses touttes singulieres. Il se souvint aussi de faire des vœux et des prieres pour la conservation du royaume de France, priant le Seigneur de luy donner un connétable qui le sçut encore mieux defendre que luy. La douleur que son mal luy faisoit souffrir, ne l’empêcha point de songer à couronner la fin de sa vie par un dernier service qu’il pouvoit encore rendre à son maître. Ce fut dans cet esprit qu’il fit appeller le maréchal de Sancerre, et le pria d’aller dire au gouverneur de Randan, que, s’il pretendoit arrêter plus longtemps une armée royale devant sa place, il le feroit pendre à l’une de ses portes, après l’avoir prise d’assaut. Le commandant, qui ne sçavoit pas que ce general étoit à l’extrémité, luy répondit que ny luy ny les siens ne la rendroient qu’à Bertrand seul, quand il leur viendroit parler en personne. Le maréchal eut la présence d’esprit de les assurer qu’il avoit juré de ne faire plus aucune tentative auprés d’eux pour les engager à se rendre, ny de leur en dire une seule parole. Il eut par là l’adresse de leur cacher sa maladie, qui étoit déplorée. La seule crainte de son nom leur fit ouvrir leurs portes, et le commandant, qui s’imaginoit trouver Bertrand dans sa tente, tout plein de vie, fut bien étonné de rendre les clefs de sa place à un agonisant, qui pourtant eut encore assez de connoissance