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ANCIENS MÉMOIRES

Cette agréable avanture le fit respirer un peu dans sa disgrace, voyant qu’il luy venoit une ressource à laquelle il ne s’attendoit pas. Il renvoya l’Espagnol sur ses pas pour dire à Ferrand, comte de Castres, qu’il n’oublieroit jamais le bon office qu’il luy vouloit rendre, et qu’il le joindroit au plûtôt pour assembler leurs forces contre leurs communs ennemis. Pierre fit tant de diligence qu’il trouva ce comte qui se rafraîchissoit avec toutte sa cavalerie dans un pré proche d’une fontaine, où ils avoient mis pied à terre, et fait leurs logemens de feüillées pour se garantir de la grande chaleur. Le cheval tygre sur lequel il étoit monté le fit aussitôt reconnoître. Il en descendit pour embrasser le comte et le grand maître de Saint Jaques, ausquels il fit un triste recit de touttes les fâcheuses avantures qui luy avoient été suscitées par Henry, Bertrand, le Besque de Vilaines et les autres. Le comte luy témoigna qu’il entroit tout à fait dans ses peines, et qu’ils n’étoient armez ny luy, ny les siens que pour l’en tirer. Tandis qu’ils s’entretenoient ainsi de leurs affaires, il vint un courier qui leur dit qu’il paroissoit assez prés de là un petit corps de deux cens hommes d’armes, qui s’étoient approchez pour étudier la contenance qu’ils faisoient. Pierre s’imaginant que ce seroit un beau coup de filet que de faire tomber ce petit nombre de gens dans une embuscade, pria le grand maître de Saint Jaques de prendre seulement cinq cens hommes pour les aller surprendre et les charger. Ce general se mit à la tête de pareil nombre de gendarmes, et, pour n’être pas découvert, il s’alla poster avec eux derrière une haye, et leur commanda de descendre de leurs chevaux, afin qu’on les appercût moins.