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SUR DU GUESCLIN.

Carenloüet qui marchoit à la tête de ces deux cens hommes, et qui ne se défioit pas du piege qu’on luy tendoit, donna justement dans l’embuscade, et comme il vit qu’il ne pouvoit pas éviter le combat, il s’y prepara de son mieux, en rangeant ses gens et les mettant en état de se bien defendre, et criant à haute voix Guesclin ! sçachant que ce nom seul étoit si redoutable aux Espagnols qu’il ne falloit que le prononcer pour les faire trembler. Il ouvrit le combat le premier, en poussant son cheval contre le grand maître de Saint Jaques, sur la tête duquel il déchargea son sabre avec tant de force et tant de fureur, qu’il abbattit par terre et le cheval et le cavalier, après l’avoir fort dangereusement blessé. Carenloüet et ses gens n’eurent pas beaucoup de peine à l’achever et à le laisser mort sur le champ. Les Espagnols voyans leur general par terre s’acharnerent avec plus de rage sur ceux qui l’avoient tué. Le désir de la vengeance les rendit encore plus intrepides, et plus déchaînez sur les François qu’ils surpassoient si fort en nombre, qu’ils étoient pour le moins cinq contre deux. Ces derniers furent accablez par la multitude, Carenloüet voyant que tout son monde étoit battu sans ressource, se jetta luy neuvième à pied dans les bois, et se coulant au travers des ronces et des épines, il s’ensanglanta le visage et les mains pour se cacher, et se garantir de la mort. Les Espagnols étant demeurez les maîtres du champ du combat, enlevèrent le corps du grand maître de Saint Jaques et luy firent des funerailles proportionnées à sa qualité. Carenloüet demeura toûjours tapy dans la forêt, jusqu’à ce que les ennemis se fussent retirez et que le péril fût passé. Quand il ne vit plus