Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 5.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
SUR DU GUESCLIN.

spectateur de la tragedie qui devoit faire perir le roy Pierre, sans y vouloir faire aucun personnage. Ce malheureux prince, après avoir couru quelque temps à perte d’haleine, tourna visage pour voir ce qui se passoit ; mais il fut bien étonné quand il s’apperçut que personne ne le suivoit, et qu’il restoit tout seul, abandonné de tout le monde. Il vomit mille blasphêmes et donna mille malédictions à ce prétendu bâtard qui le poursuivoit avec Bertrand et le Besque de Vilaines. Mais son tygre, plus vîte qu’un cerf et qui ne se lassoit jamais, le tira d’affaire et courut avec tant de force, qu’il le mena jusqu’à Monracut, petite ville dans laquelle il n’osa pas coucher ny s’y enfermer, de peur d’être livré par les habitans à ses ennemis.



CHAPITRE XXVIII.


De la grande Bataille que Bertrand gagna sur le roy Pierre, qui, cherchant du secours chez les sarrazins, tomba malheureusement entre les mains d’un juif, auquel il fut vendu comme esclave.


Ce prince infortuné n’osant pas entrer dans les villes dans un équipage si triste et sans aucun cortege, et craignant de se donner à connoître, de peur d’être trahy, rodoit tout seul tout autour des bois et côtoyoit la mer, dans le dessein d’y trouver quelque vaisseau pour s’embarquer, et se mettre à couvert par là de la poursuite de ses ennemis. Il se rendit tout exprés à un port que l’on nommoit Orbrie. Ce fut là qu’il ren-