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ANCIENS MÉMOIRES

personne là autour, il marcha toutte nuit à pied à travers champ sans passer par les grands chemins, et se rendit enfin à l’armée de Bertrand, auquel il compta la disgrace qu’il venoit d’essuyer, mais aussi qui n’avoit pas peu coûté aux ennemis, puis qu’ils avoient perdu le grand maître de Saint Jaques, capitaine qui s’étoit aquis beaucoup de réputation dans la guerre. Guesclin le consola beaucoup en luy disant que la mort de ce general étoit d’un plus grand poids au bien de leurs affaires, que la deroute de deux cens hommes et que les armes étant journalieres, on ne pouvoit pas toûjours reüssir. Il détacha quelques coureurs ensuite pour observer la marche et la contenance de Pierre.

Aussitôt qu’il eût appris qu’il approchoit, il rangea son monde en bataille pour aller au devant. La mêlée fut rude d’abord ; mais Bertrand fit tant d’efforts et paya si bien de sa personne, qu’il fît plier les troupes de Pierre, qui se vit contraint de prendre la fuite et de se sauver à son tour dans les bois, avec Ferrand, comte de Castres, et quelques trois cens hommes. C’étoit à qui gagneroit au pied, et feroit plus de diligence pour s’évader. Le comte Ferrand étoit au desespoir de ne pouvoir suivre le roy Pierre, qui le devançoit d’une lieüe tout entière, à cause de la vitesse de son cheval. Quand il le vit bien loin sur une montagne, il prit à l’instant la resolution de l’abandonner et de le laisser là, se souvenant que touttes ses affaires étoient décousuës, et qu’il ne faisoit pas sur pour luy d’être davantage dans ses interêts. Cette consideration luy fit aussi loi tourner bride du côté de la Galice, où il prit le parti de se retirer, se contentant d’être à l’avenir le