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ANCIENS MÉMOIRES

Cette nouvelle leur fit de la peine ; ils eussent bien souhaité pouvoir en donner avis à Bertrand, afin qu’il se tint sur ses gardes, et se préparât à soûtenir tous les efforts de la guerre qu’on tramoit de faire contre luy. Ces deux pèlerins se mirent en tête d’aller eux mêmes annoncer en personne tout ce qui se brassoit contre les chrétiens. Ils se jetterent aussitôt en mer sur un petit bâtiment que le vent poussa si favorablement, qu’ils surgirent en fort peu de temps à un port d’Espagne nommé Montfusain. Ces deux hommes avoient intérêt de ne se pas trop découvrir, parce qu’ils étoient les vassaux du prince de Galles, qui avoit fait de grands ravages dans ce même païs, quand il y étoit entré pour reprendre sur Henry touttes les villes qui avoient secoüé le joug de Pierre, son ennemy. C’est la raison pour laquelle ils s’aviserent, pour mieux cacher leur jeu, de demander l’aumône, afin de devenir par tout moins suspects, et d’y avoir aussi plus d’entrée sous un prétexte si spécieux.

Il y avoit une citadelle à Monfusain, dont la gouvernante étoit une fort belle dame, d’une naissance distinguée, fort charitable et fort aumôniere. Quand elle eut attentivement regardé ces deux prétendus gueux, et qu’elle les eut interrogé sur leur voyage et sur le dessein qu’ils avoient eu de se transporter dans la Terre sainte, pour obtenir la remission de leurs pechez, il luy sembla que ces gens raisonnoient si juste, et luy parloient de si bon sens, qu’il luy prit envie de les retenir. Elle voulut se donner le plaisir de les faire manger en sa présence pour contenter la curiosité qu’elle avoit d’apprendre ce qui se passoit en Jérusalem. Elle leur demanda si les chrétiens étoient toû-