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ANCIENS MÉMOIRES

geans en pièces, et feroit lever le siege de la place. Ces gens luy remontrerent qu’il étoit absolument necessaire qu’il leur vint bientôt un renfort, parce qu’ils seroient aux abois avant quinze jours, et que dans ce besoin pressant ils seroient forcez de capituler avec Henry pour faire avec luy leur condition la meilleure qu’il leur seroit possible.

Pierre leur promit qu’il reviendroit si tôt, qu’il les tireroit de cet embarras. Il concerta donc avec eux qu’il partiroit la nuit, luy sixième. Il fit charger sur des fourgons, son or, son argent et ses meubles les plus precieux, dans le dessein de lever de nouvelles troupes, quand même il devroit épuiser pour cela tous ses coffres. Les assiegeans ne sçavoient pas que Pierre avoit la pensée de tenter une évasion ; car ils avoient seulement appris qu’il y avoit dans la place une grande disette. Cependant Bertrand croyant cette place imprenable, à moins que ce ne fût par assaut, voulut abreger chemin, disant à Henry qu’il luy conseilloit d’envoyer un trompette à Pierre pour le sommer de luy rendre la place, et luy proposer un accommodement entr’eux, qui seroit : Que Pierre luy cederoit la Couronne, à condition qu’Henry luy donneroit quelque duché dans l’Espagne pour avoir dequoy subsister honorablement. Ce conseil n’étoit pas fort agreable à Henry, qui avoit tout à craindre de Pierre s’il avoit une fois la vie et la liberté ; car il le connoissoit remuant, ambitieux et perfide. Mais les obligations qu’il avoit à Bertrand luy firent avoir pour luy la complaisance de prêter l’oreille à cet avis, et de le suivre avec beaucoup de docilité, quoy que ce fut avec quelque repugnance. Il donna l’ordre à l’un