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ANCIENS MÉMOIRES

à les travailler. Ils avoient en effet déja consommé chiens, chats, chevaux, et touttes autres bêtes. Ils en étoient même reduits à sortir la nuit en cachette pour paître les méchantes herbes qui croissoient auprés des fossez. L’opiniâtreté de ce gouverneur fut si grande qu’il laissa périr plus de trente mille hommes, tant chrétiens et juifs que qarrazins, qu’une faim canine emporta du monde. Les assiegeans avoient tenté tous les artifices imaginables pour obliger la garnison de Tolede à sortir sur eux, faisans par deux fois semblant de se retirer dans l’esperance que retournans tout d’un coup sur les assiegez, ils pouroient rentrer avec eux pèle mêle dans la ville et s’en rendre les maîtres par ce stratageme : mais les habitans de Tolede ne donnoient point dans tous ces piéges. Bertrand se lassant de touttes ces longueurs voulut prendre congé d’Henry, pour aller à Paris auprés du Roy son souverain, qui l’avoit mandé ; mais Henry le conjura tant de rester encore jusqu’à ce que Tolede fût pris, qu’il ne put honnêtement s’en defendre, et pour expedier affaire, il opina là dessus d’une maniere si sensée, que tout le monde se rendit à son avis. Il dit qu’il falloit envoyer l’archevêque dans cette ville, pour parler aux bourgeois, dont il étoit le père et le pasteur, et leur faire serment la main sur la poitrine que Pierre étoit mort. Il estima que la parole d’un si grand prelat feroit plus d’effet dans leurs esprits pour les engager à se rendre, que touttes les machines de guerre qu’ils avoient employées contr’eux ; et que si les bourgeois ne vouloient pas deferer à l’autorité d’un homme dont le témoignage ne leur devoit point être