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SUR DU GUESCLIN.

Les François profitans de leur crainte en tüerent grand nombre, et le carnage ne cessa que par la prise d’Ourselay. Clisson luy demanda ce qu’étoit devenu Bertrand, et s’il en sçavoit des nouvelles. Il luy répondit qu’il étoit aux prises avec les Anglois, sur lesquels il avoit déjà remporté de fort grands avantages, et que comme il l’alloit envelopper avec ses huit cens hommes, il en avoit été par eux empêché sur le point qu’il l’alloit charger par derrière ; qu’il ne sçavoit pas au vray s’il étoit mort ou vif depuis que l’on avoit commencé la mêlée. Clisson témoigna qu’il seroit au desespoir, et n’auroit jamais de joye dans sa vie s’il mesarrivoit de Bertrand, et le maréchal d’Andreghem qui ny prenoit pas moins de part que luy, remontra qu’il ny avoit point de temps à perdre, et qu’il falloit incessamment marcher à son secours. En effet, ils ne pouvoient pas le luy donner plus à propos ; car quand ils arriverent à l’endroit où les deux armées étoient encore aux mains, ils trouverent Bertrand fort engagé dans le combat et fort pressé par Thomas de Granson qui, tout fier du renfort qu’il venoit de recevoir de David Hollegrave, et se prévalant du plus grand nombre, comptoit déjà que Guesclin ne lui pouroit jamais échapper. Mais son attente fut bien vaine, car ces quatorze cens combattans commandez par Clisson, vinrent tout à coup se jetter au travers des Anglois avec autant de furie que des loups affamez qui s’élancent dans un bercail pour en faire leur proye. Clisson fit voir en ce rencontre, que ce n’étoit pas sans raison qu’on l’appelloit le boucher de Clisson, car il charpentoit à droit et à gauche tout ce qui se rencontroit sous la force et la pesanteur de son bras.