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À quoi la Reine répondit qu’elle le feroit entendre à M. le comte, et le prieroit d’oublier ce qui s’étoit passé, et de recevoir cette satisfaction.

Ce peu de respect dont la Reine souffrit que le duc de Guise usât envers elle, manquant à la parole qu’il lui avoit donnée, sentoit déjà bien la désunion du conseil, la foiblesse de la Reine, et la diminution de son autorité, laquelle ne peut être si petite qu’elle ne soit de grande conséquence, l’expérience nous apprenant qu’il est beaucoup plus aisé de la maintenir inviolable, qu’il n’est pas d’empêcher son entière ruine quand elle a reçu la moindre atteinte.

La Reine accorda aussi presque en ce même temps, par sa prudence, une querelle importante, qui eût attiré une dangereuse suite si elle n’eût été promptement assoupie.

Un jour, étant à table, un grand bruit s’émut dans la chambre ; on lui rapporta qu’on y étoit aux mains, ce qui n’étoit pas vrai, mais bien en étoit-on venu aux paroles rudes et atroces. Le baron de La Châtaigneraie, son capitaine des gardes, homme hardi, mais brutal, ayant cru que les ducs d’Epernon et de Bellegarde lui rendoient de mauvais offices sur la prétention qu’il avoit d’obtenir un gouvernement de la Reine, les trouvant au sortir du cabinet de Sa Majesté, les entreprit de paroles, qui vinrent jusques à tel point, qu’il étoit impossible de ne connoître pas qu’elles intéressoient grandement le duc d’Epernon, et outrageoient tout-à-fait le duc de Bellegarde. Ces seigneurs, pleins de ressentiment, professoient vouloir tirer raison de cette offense ; Châtaigneraie, d’autre part, ne demandoit pas mieux que de la leur faire.