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Ces raisons, qui ne manquoient pas d’apparence, n’eurent pas faute d’appui ; elles furent soutenues des grands, qui espéroient profiter des divisions publiques, et de mes ennemis, qui pensoient, par ce moyen, me dérober la confiance de ma maîtresse ; si bien que je fus, par prudence, contraint de revenir à leurs pensées, et, à l’imitation des sages pilotes, de céder à la tempête : n’y ayant point de conseil si judicieux qui ne puisse avoir une mauvaise issue, on est souvent obligé de suivre les opinions qu’on approuve le moins. Je voyois bien qu’il y avoit beaucoup à espérer pour la Reine dans la cour, et rien dehors : mais, parce qu’il y avoit beaucoup à craindre dans la puissance des favoris, j’aimai mieux suivre les sentimens de ceux qui la détournoient d’aller trouver le Roi, que de faire valoir mes raisons ; ce que je fis cependant avec ce tempérament, que je suppliai la Reine d’envoyer recevoir les avis des personnes affectionnées à son service, avant que de prendre une dernière résolution.

Au même temps on fait des chevaliers du Saint-Esprit sans lui en donner aucune communication que le nombre n’en soit arrêté : on lui envoie M. de Tarajet, le 7 de décembre, pour lui en porter les noms ; non-seulement n’en reçoit-on aucun à sa recommandation, mais ceux qui n’ont pas perdu entièrement le respect dû à la mère de leur maîlre en sont éloignés ; on en rejette même qui ont été nommés du feu Roi, parce qu’on ne les croit pas ses ennemis : avoir juré sa ruine, c’est la meilleure preuve de noblesse, c’est avoir les conditions requises.

À l’instant qu’on a commis cette action de mépris,