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[1648] MÉMOIRES

si insolens. Ils savoient que, pour pouvoir déterminer le cardinal à ce qu’on désiroit de lui, il ne falloit que le maltraiter et le menacer ; que, d’ailleurs, il n’étoit sensible ni aux offenses ni aux services ; qu’il n’étoit ni cruel ni méchant ; que par-dessus tout cela, également avare et foible, il ne pouvoit se résoudre à faire du bien qu’à ceux qui lui avoient fait ou lui pouvoient faire du mal ; qu’enfin, pour pouvoir obtenir quelque chose de lui, il falloit s’en faire craindre, puisqu’on le menaçoit rarement sans succès. Et c’est ce qui en donna tant aux premières guerres de la Fronde que l’on fit contre lui, et ce qui fit trouver tant de facilité à l’amener à ce qu’on en désiroit.

Le peu de respect du parlement pour la cour venoit encore de ce grand mépris pour le ministre, dont ils le connoissoient si digne ; et ce mépris pour lui devint si outré que la Reine, ne le pouvant plus souffrir, voulut prendre des hauteurs extraordinaires avec ces messieurs. Mais elle s’y prit si tard qu’elles lui furent inutiles ; et cela ne lui parut que trop, lorsque, ayant envoyé le chancelier pour les interdire, le peuple en devint si furieux qu’avant que le chancelier pût être arrivé au Palais il l’auroit mis en pièces[1], si, en se cachant, il ne se fût dérobé à sa fureur ; et le maréchal de La Meilleraye, que la Reine y envoya avec tout le régiment des Gardes pour le dégager, ne put le ra-

  1. Il l’auroit mis en pièces : Le chancelier Seguier, le lendemain de la révolte qui avoit suivi l’arrestation de Broussel (27 août), fut chargé d’aller ordonner au parlement de se transporter à Montargis. Attaqué par le peuple en fureur, il trouva heureusement un asyle à l’hôtel d’O, qui appartenoit au duc de Luynes. Immédiatement après on fit des barricades dans toutes les rues.