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[1649] MÉMOIRES

de monde ni assez de vivres pour prendre cette place. Et dans la suite il ne feignit prendre le parti du parlement que par la seule espérance d’en faire mieux ses affaires avec le ministre, duquel il ne vouloit seulement que diminuer l’autorité, afin de le pouvoir réduire plus aisément à ce qu’il désiroit de lui. Ainsi ce prince vouloit moins servir la Fronde que l’endormir, pour tâcher par là d’obtenir de la cour ce qu’il souhaitoit.

Ce furent là les seules raisons qui engagèrent M. le prince à faire comme s’il avoit envie de prendre le parti du parlement, et à consentir à cette négociation dont je viens de parler ; mais à la vérité sa politique là-dessus ne dura guère. La première chose qui l’obligea à la rompre, pour suivre son penchant naturel aussi bien que son devoir, fut que s’étant trouvé un peu avant la guerre de Paris dans une des assemblées du parlement, et Coulon, grand frondeur, y ayant remontré avec beaucoup de véhémence que, pendant qu’on les amusoit, on faisoit venir des troupes auprès de la ville, ce prince lui demanda d’un air assez fier qui les commandoit ; et Coulon lui ayant répondu que c’étoit le colonel David, il répliqua qu’il y avoit long-temps qu’il commandoit les armées du Roi sans avoir ouï parler d’aucun colonel de ce nom. Après, il sut donner un si grand ridicule et à Coulon et à son colonel inconnu, que dans l’assemblée on y traita Coulon de visionnaire, et on prit pour une fable l’approche des troupes de son prétendu colonel, quoiqu’il n’y eût rien pourtant de moins fabuleux. Mais cette mortification de Coulon ayant porté M. le prince à rehausser sa voix et à redoubler cette hauteur qui lui étoit si