Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/27

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dinal Mazarin ne faisoit que de naître dans sa bonne volonté, et elle ne lui faisoit pas en apparence un si favorable traitement qu’au duc de Beaufort ; mais la nécessité d’être servie, et l’application que ce ministre avoit à lui faire paroître qu’il étoit sincère et plein de bonté, lui facilitoit à tous momens l’entière conquête de sa confiance. Ce prince, son compétiteur, mêloit à ce qu’il avoit de bon et de louable beaucoup de défauts ; sa jeunesse le privoit d’expérience, ses lumières naturelles étoient fort bornées ; il parloit haut, et parloit mal : il ne faut pas s’étonner si tant de mauvaises choses ne purent produire rien d’avantageux pour lui. Cette incertitude extérieure, qui tenoit en suspens les affaires et les esprits, étoit cause que la foule étoit grande auprès de la Reine, et les prétendans en grand nombre. Elle en étoit si embarrassée, que souvent elle gardoit la chambre pour en éviter l’importunité. Comme elle n’étoit pas accoutumée à régner, elle ne savoit refuser les importuns, ni donner à ceux qui étoient sages et modérés. Ce discernement est difficile à faire, et méritoit toute l’occupation d’une Reine moins paresseuse que la nôtre. Dans cette confusion, chacun lui demandoit des grâces, et chacun se faisoit un mérite auprès d’elle des choses passées. Ses créatures ne croyoient pas qu’elle pût leur faire assez de bien pour payer leurs services ; et les nouveaux enrôlés, à la moindre protestation de services et de fidélité, prétendoient aussitôt de grandes récompenses. Le cardinal Mazarin se servit utilement pour lui des importunités qu’elle recevoit de l’avidité impétueuse des Français ; car, étant étranger, il haïssoit la foule, et ne pouvoit souffrir ce