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souffrances, en eut une trop grande part. Sa tristesse s’étant dissipée et sa maladie aussi, elle se résolut de ne plus penser qu’à jouir du repos qu’elle se donnoit, en se déchargeant sur son ministre des soins et des affaires de l’État, et crut alors pouvoir être toujours aussi heureuse qu’elle étoit puissante. Madame de Hautefort, qui n’avoit pu se vaincre sur la haine qu’elle portoit au cardinal Mazarin, étoit la seule qui lui causoit encore de l’inquiétude, non seulement parce qu’elle ne pouvoit souffrir ce ministre, mais parce que son esprit, qui commençoit à prendre par beaucoup de dévotion des sentimens qui la rendoient sévère, un peu contrariante et trop critique, tout ce que la Reine faisoit lui étoit à dégoût, et l’ancienne familiarité qu’elle avoit eue avec elle lui donnoit la liberté de lui dire quelquefois des choses qui marquoient qu’elle n’approuvoit nullement sa conduite. La Reine ne pouvoit souffrir cette manière d’agir ; et le cardinal, qui souhaitoit la perte de cette dame, ne manquoit pas d’aigrir l’esprit de la Reine contre elle. Ses sermons sur sa générosité passoient pour des reproches tacites ; et sa conduite enfin, manquant de prudence, fut cause qu’elle perdit les bonnes grâces de celle qui auparavant l’avoit traitée de chère amie.

Un jour donc de l’année 1644, qu’à notre ordinaire nous avions eu l’honneur de passer le soir jusqu’à minuit auprès de la Reine, nous laissâmes madame de Hautefort causer avec cette princesse en toute liberté, et avec le plaisir que sa présence et la grâce qu’elle nous faisoit de nous souffrir nous donnoit. La Reine étoit près de se mettre au lit : elle n’avoit plus que sa dernière prière à faire quand nous la quittâmes, et