Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dicateurs étoient ceux qui lui plaisoient le plus. Elle a été quelquefois, mais rarement, visiter les prisons, déguisée en suivante ; et, de ma connoissance, je sais qu’elle suivit un jour madame la princesse à cette intention. Elle avoit une femme de chambre, dame pieuse et dévote, qui, dans les premières années de sa régence, s’enfermoit les soirs avec elle dans son oratoire. Toute l’occupation de cette dame étoit d’instruire la Reine des nécessités journalières, publiques et particulières de tous les pauvres, et de lui demander de l’argent pour y remédier.

La Reine alors n’avoit pas renoncé à tous les plaisirs qui lui avoient plu autrefois, et qu’elle croyoit innocens[1]. Elle avoit aimé le bal. Elle en avoit perdu le goût avec la jeunesse ; mais elle alloit à la comédie, à demi cachée par une de nous, qu’elle faisoit asseoir auprès d’elle dans une tribune où elle se mettoit, ne voulant pas, pendant son deuil, paroître publiquement à la place qu’elle devoit occuper dans un autre temps. Ce divertissement ne lui étoit pas désagréable. Corneille, cet illustre poète de notre siècle, avoit enrichi le théâtre de belles pièces dont la morale pouvoit servir de leçon à corriger le dérèglement des passions humaines ; et, parmi les occupations vaines et dangereuses de la cour, celle-là du moins pouvoit n’être pas des pires. La Reine étoit grave et discrète en toutes ses manières d’agir et de parler ; elle étoit judicieuse et fort secrète pour toutes les confiances que ses

  1. Qu’elle croyoit innocens. « Ses divertissemens, dit le manuscrit, étoient médiocres, et elle n’aimoit rien avec ardeur. Elle n’aimoit point à lire, et ne savait guère de choses ; mais elle avoit de l’esprit, et l’esprit aisé, commode et agréable. »