Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/80

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familiers osoient lui faire. Elle étoit libérale par ses propre sentimens : car ce qu’elle donnoit, elle le donnoit de bonne grâce ; mais elle manquoit de le faire souvent, faute de s’en aviser : il falloit trop s’aider auprès d’elle pour obtenir ses bienfaits. Ce défaut, qui n’étoit ni dans son cœur ni dans sa volonté, procédoit de ce qu’elle laissoit insensiblement régler ses résolutions sur les volontés de ceux dont elle estimoit les conseils, et ses créatures en souffroient beaucoup. Elle a même donné avec profusion à certaines personnes qui ont eu le pouvoir de la persuader en leur faveur, et qui, par de grandes applications à leur fortune, ont su trouver le moyen de la faire. Cette princesse avoit l’esprit aisé, commode et agréable. Sa conversation étoit sérieuse et libre tout ensemble ; et ceux pour qui elle avoit de l’estime trouvoient en elle un bonheur qui se rencontre rarement avec les grands. Elle entroit dans les intérêts et les sentimens de ceux qui lui ouvroient leur cœur, et ce bon traitement faisoit une grande impression dans l’ame de ceux qui l’aimoient. J’ai parlé ailleurs de sa beauté : je dirai seulement qu’étant aimable de sa personne, douce et honnête dans son procédé, et familière avec ceux qui avoient l’honneur de l’approcher, elle n’avoit qu’à suivre ses inclinations naturelles, et à se montrer telle qu’elle étoit, pour obliger et pour plaire. Malgré ses vertueuses dispositions, il étoit aisé au cardinal Mazarin, en se servant de la raison d’État, de changer ses sentimens, et de la rendre capable de sévérité envers ceux qu’elle avoit accoutumé de bien traiter. Dans le commencement de sa régence, sa bonté a été fort louée ; mais quand on la vit disgra-