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[1649] MÉMOIRES

rins : il se trompe : elle va à toute la compagnie, mais elle y va comme insensiblement, et par degrés. Les peuples sont las quelque temps avant que de s’apercevoir qu’ils le sont, La haine contre le Mazarin soutient et couvre cette lassitude. Nous égayons les esprits par nos satires, par nos vers et par nos chansons ; le bruit des trompettes, des tambours et des timbales réjouit les boutiques : mais au fond paie-t-on les taxes avec la ponctualité avec laquelle on les a payées les premières semaines ? Y a-t-il beaucoup de gens qui vous aient imité, vous, M. de Beaufort et moi, quand nous avons envoyé notre vaisselle à la monnoie ? N’observez-vous pas que quelques-uns de ceux qui se croient encore très-bien intentionnés pour la cause commune commencent à excuser, dans les faits particuliers, ceux qui le sont le moins ? Voilà les marques d’une lassitude qui est d’autant plus considérable, qu’il n’y a pas encore six semaines que l’on a commencé à courir ; jugez de celle qui sera causée par de plus longs voyages ! Le peuple ne sent presque pas encore la sienne : il est au moins très-certain qu’il ne la connoît pas. Ceux qui sont fatigués s’imaginent qu’ils ne sont qu’en colère : et cette colère est contre un parlement, c’est-à-dire contre un corps qui étoit, il n’y a qu’un mois, l’idole du public, et pour la défense duquel il a pris les armes. Quand nous nous serons mis à la place de ce parlement ; quand nous aurons ruiné son autorité dans l’esprit de la populace ; quand nous aurons établi la nôtre, nous tomberons infailliblemont dans les mêmes inconvéniens, parce que nous serons obligés de faire les mêmes choses que fait aujourd’hui le par-