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[1650] MÉMOIRES

pêcha un courrier à Senneterre son ami, avec une lettre de treize pages en chiffres, par laquelle il lui mandoit que son parlement n’étoit pas si emporté qu’il ne demeurât dans la fidélité, si le Roi vouloit révoquer M. d’Epernon ; qu’il lui en donnoit sa parole ; que ce qu’il avoit fait jusque là n’étoit qu’à cette intention mais que si l’on différoit, il ne répondoit plus de la compagnie, et beaucoup moins du peuple, qui, ménagé et appuyé comme il l’étoit par le parti des princes, se rendroit même dans peu maître du parlement. Senneterre n’oublia rien pour faire que le cardinal profitât de cet avis. M. de Châteauneuf fit des merveilles et voyant que le cardinal ne répondoit à ses raisons que par des exclamations contre l’insolence du parlement de Bordeaux, qui avoit donné retraite à des gens condamnés par une déclaration du Roi, il lui dit brusquement « Partez demain, monsieur, si vous ne vous accommodez aujourd’hui vous devriez être déjà sur la Garonne. » Le succès fit voir que M. de Châteauneuf avoit raison de conseiller le radoucissement, et qu’on eût mieux fait de ne pas tant presser l’exécution car quoiqu’il y eût de la chaleur dans le parlement de Bordeaux, qui alloit même jusqu’à la fureur, il résista pourtant long-temps aux emportemens du peuple animé par M. de Bouillon, et donna arrêt pour faire sortir de la ville don Joseph Osorie qui étoit venu d’Espagne avec messieurs de Sillery et de Vassé, que M. de Bouillon y avoit envoyés pour traiter. Il fit plus : il défendit qu’aucun de son corps ne rendît visite à aucun de ceux qui avoient eu commerce avec les Espagnols, non pas même à madame la princesse. La populace