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[1649] MÉMOIRES

une qu’il entendît lui-même, pour lui prouver que cela ne seroit pas à propos ; et je remarquai alors que rien ne persuade tant les gens qui ont peu de sens, que ce qu’ils n’entendent pas. Le président de Bellièvre leur laissa même entrevoir qu’il seroit, peut-être à propos que je me laissasse persuader, quand je serois là, de voir le cardinal. Madame de Montbazon, qui entretenoit des correspondances avec tout le monde, par les différentes relations qu’elle avoit avec chacun, se fit honneur, par celle qu’elle entretenoit avec le maréchal d’Albret[1] (à ce qu’on m’a dit depuis), de ce projet à la cour. Et ce qui me le fait assez croire est que Servien recommença fort instamment les négociations avec moi. J’y répondis à tout hasard, comme si j’eusse été assuré que la cour en eût été avertie par madame de Montbazon. Je ne m’engageai pas de voir à Compiègne le cardinal Mazarin, parce que j’étois très-résolu de ne l’y point voir ; mais je lui fis entendre que je l’y pourrois voir, parce que je reconnus clairement que si le cardinal n’eût eu l’espérance que cette visite me décréditeroit chez le peuple, il n’eût point consenti à un voyage qui pouvoit faire croire au peuple que j’avois part au retour du Roi. Je jugeai à la mine plutôt qu’aux paroles de Servien que ce retour n’étoit pas si éloigné de l’inclination du cardinal que l’on le çroyoit à Paris, et même à la cour. Vous voyez facilement que j’oubliai de dire à Servien que je fisse état de parler à la Reine sur ce retour. Il alla annoncer le mien à Compiègne avec une joie merveil-

  1. César-Phébus d’Albret, comte de Miossens, maréchal de France en 1653, mort en 1676. La branche de ce maréchal est bâtarde de la maison d’Albret. (A. E.)