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[1649] MÉMOIRES

noblesse qui pouvoit faire trois cents gentilshommes. Le peuple, qui étoit revenu dans sa chaleur pour nous, nous donnoit assez de sûreté ; mais la noblesse nous étoit bonne, tant pour faire paroître que nous ne nous traitions pas simplement de tribuns du peuple, que parce que faisant état de nous trouver tous les jours au PaJais dans la quatrième chambre des enquêtes qui répondoit à la grande, nous étions bien aises de n’être pas exposés, dans un lieu où le peuple ne pouvoit pas entrer, à l’insulte des gens de la cour, qui y étoient pêle-mêle avec nous. Nous étions en conversation les uns avec les autres, nous nous faisions des civilités et cependant nous étions huit ou dix fois tous les matins sur le point de nous étrangler, pour peu que les voix s’élevassent dans la grand’chambre ce qui arrivoit assez souvent par la contestation, dans la chaleur où étoient les esprits. Tout le monde étoit dans la défiance ; et je puis dire sans exagération que, sans même excepter les conseillers, il n’y avoit pas vingt hommes dans le Palais qui ne fussent armés de poignards. Pour moi, je n’en avois point voulu porter M. de Brissac m’en fit prendre un par force, un jour où il paroissoit qu’on pourroit s’échauffer plus qu’à l’ordinaire. De telles armes, qui me convenoient peu, me causèrent un chagrin qui me fut des plus sensibles. M. de Beaufort, qui étoit un peu lourd et étourdi de son naturel, voyant la garde du stylet dont le bout paroissoit un peu hors de ma poche, le montra à Arnauld, à La Moussaye et à des Roches capitaine des gardes de M. le prince, en leur disant « Voilà le bréviaire de M. le coadjuteur. » J’entendis la raillerie mais ; à dire vrai, je ne la soutins pas de bon cœur.