Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/159

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mais Jouy, à qui il s’en étoit ouvert à fond, à propos d’un je ne sais quel avis qu’il avoit eu que M. de Brissac y travailloit de nouveau, m’avoit dit que Monsieur s’étoit écrié : « Si cela est, nous avons la guerre civile pour l’éternité. » Vous jugez bien que cette circonstance ne me détourna pas de la résolution que j’avois prise de le tenter. Je n’eus pas lieu de m’en repentir : car aussitôt que je fus entré en matière, il entra lui-même dans tout ce que je lui disois. Il me railla sur la cessation des monosyllabes : ce qui étoit toujours signe en lui qu’il approuvoit ce dont on lui parloit. Il ajouta ensuite des raisons aux miennes : ce qui en est un certain à tout le monde ; et puis tout d’un coup il revint, comme s’il fût parti de bien loin (ce qui étoit son air, particulièrement quand il n’avoit bougé d’une place) ; et il me dit : « Mais que ferons-nous de M. le prince ? » Je lui répondis : « C’est à Votre Altesse Royale, monsieur, à savoir où elle en est avec lui : car l’honneur est préférable à toutes choses ; mais comme j’ai lieu de croire que les négociations que l’on voit à droite et à gauche se font en commun, je m’imagine que vous vous pouvez entendre sur ce que je vous propose, comme vous vous entendez sur le reste. — Vous vous jouez, me dit-il ; mais je ne suis pas si embarrassé sur ce point que vous croyez. M. le prince a plus d’impatience que vous d’être hors de Paris ; et il s’armeroit mieux à la tête de quatre escadrons dans les Ardennes, que de commander à douze millions de gens tels que nous en avons ici, sans en excepter le président Charton. » Cela étoit vrai, et Croissy, qui étoit un des hommes du monde qui