Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/218

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me croyoit fou ; qu’il n’ignoroit pas que je savois mieux que personne que nous n’étions pas en état de faire des secrétaires d’État ; et que de plus, si nous étions en cet état, ce ne seroit pas pour M. de Nouveau que nous travaillerions. Il s’emporta contre madame de Chevreuse et contre Laigues, et il n’avoit pas tort. : « Car quoique je sache bien, dit-il, que leur proposition est impertinente, elle marque toujours que je ne dois pas prendre grande confiance en leur amitié. — Il est vrai, répondis-je ; et je leur en dirai dès demain mon sentiment. » J’ajoutai : « A l’instant que je fais tous mes efforts auprès de Monsieur pour l’empêcher de pousser M. Le Tellier, ces gens-là font par leur conduite qu’il croira que c’est moi qui le veux précipiter. »

Je fis dès le lendemain de grands reproches à madame de Chevreuse et à Laigues : ils nièrent le fait. Cet éclaircissement fit du bruit ; ce bruit alla à M. Le Tellier ; qui crut qu’on disputoit déjà sa charge. Il m’a paru qu’il ne l’a jamais pardonné, ni à M. de Caumartin, ni à moi. La plupart des inimitiés qui sont dans les cours ne sont pas mieux fondées ; et j’ai observé que celles qui ne sont pas bien fondées sont les plus opiniâtres. La raison en est claire : comme les offenses de cette espèce ne sont que dans l’imagination, elles ne manquent jamais de croître et de grossir dans un fond qui n’est toujours que trop fécond en mauvaises humeurs qui les nourrissent. Pardonnez-moi, je vous prie, cette petite digression, qui même n’est pas inutile au sujet que je traite puisqu’elle vous marque l’obligation que j’avois encore plus grande à tirer d’affaire M. de Caumartin,