Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/475

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me sens obligé d’avouer que je me trouve dans l’impuissance d’achever le tableau de ce grand monarque : les traits en sont trop forts. Tantôt je le considère triomphant des périls de la mer, attaquant Damiette ; prenant, le premier, terre à la tête de son armée à la vue de ses ennemis ; faisant trembler l’Orient sous le poids de ses armes. Tantôt je le regarde perçant en deux batailles, comme un prodige de valeur, les rangs des troupes infidèles ; et après des efforts plus qu’humains, abattu dans la troisième, moins par la multitude de ses ennemis que par la main de Dieu, qui veut éprouver sa constance. Tantôt je le considère en sa prison, attirant la vénération des peuples les plus barbares par sa vertu, et foulant aux pieds, par la grandeur de son courage, la vaste couronne des Mahométans. Tantôt je l’aperçois dans les hôpitaux de Syrie, au retour de sa captivité, secourant les malades, assistant lui-même les pestiférés et, de ce lieu d’humilité où il sert à genoux les plus pauvres, je le vois tout d’un coup rappelé sur son trône, non pour s’y reposer de ses travaux passés, mais pour y reprendre de nouvelles forces pour former de nouvelles armées, pour passer en Afrique, pour porter la guerre dans les provinces les plus farouches et les plus belliqueuses des Sarrazins, et pour planter la croix sur les mosquées de Mahomet. Où pouvons-nous trouver la variété des couleurs nécessaires pour dépeindre les actions de ce grand prince ? Hélas ! nous n’en avons pas seulement d’assez vives pour donner la moindre partie de l’éclat qui est dû à ses malheurs, qu’il a rendus, à la vérité, par sa constance, aussi illustres que ses victoires, et qui peuvent faire dire avec fondement, de saint Louis pris et défait par les barbares, ce qu’on disoit autrefois. de cette peinture si estimée par les anciens : qu’elle ne fut jamais plus belle ni moins effacée qu’après qu’elle eut été touchée par trois différentes fois de la foudre. Tirons le rideau sur toutes ces merveilles ; couvrons d’un voile, à l’imitation de cet ancien qui s’en servit si judicieusement dans une occasion trop connue pour être répétée ; couvrons, dis-je, d’un voile cette partie la plus animée de sa belle vie, parce que nous n’en saurions exprimer seulement les moindres traits ; et tirons de ces grands exemples, par un avantage que Votre Majesté doit partager avec ses sujets,