Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/476

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des fruits dignes de cette chaire, et sans lesquels les panégyriques les plus chrétiens ne seroient pas plus utiles que les discours les plus profanes.

Saint Louis a servi lui-même les pauvres dans les hôpitaux, sans autre obligation que celle de son ardente charité. Jugez, sire, à quel point vous êtes obligé à les servir sur votre trône, où Dieu vous a mis pour les soulager ! Et nous, chrétiens, jugeons, à notre honte et à notre confusion, que nous sommes indignes de porter ce glorieux titre, depuis qu’une dureté qui fait horreur fait que nos entrailles ne sont plus émues sur la nécessité de nos frères, depuis que nos folles dépenses et notre luxe, souvent ridicule et toujours honteux, emportent ou pour mieux dire dérobent ce que nous devons aux misères de notre prochain.

Saint Louis, animé du saint zèle de la gloire de Dieu, se résolut de passer au Levant et d’ouvrir la guerre sainte contre les Infidèles. Dieu veuille, sire, que le cimeterre des Ottomans qui brille déjà sur les frontières de la chrétienté, ne vous impose pas un jour la nécessité de semblables desseins ; mais au moins cet exemple doit donner à Votre Majesté du zèle pour sa religion. Hélas en sommes-nous seulement échauffés ? Et n’est-il pas vrai que, sans passer les mers, nous nous trouvons assez souvent dans les compagnies avec des ennemis de notre foi, contre lesquels nous opiniâtrons peu de combats pour sa défense ?

Saint Louis reçut les afflictions qui lui arrivèrent en Syrie avec une fermeté admirable ; et la résignation qu’il eut aux volontés de Dieu en sa défaite, dans sa prison, dans ses maladies, a été même plus estimée par le plus grand prélat de notre siècle, le bienheureux François de Sales, que la générosité de son entreprise.

Ce grand monarque, sire, n’oublia jamais qu’il étoit roi ; mais il se souvint toujours qu’il étoit homme. C’est pourquoi les accidens de la vie ne le surprirent point et ne l’étonnèrent pas : à la différence des grands du monde, à qui pour l’ordinaire la flatterie, plus forte même que l’expérience, fait perdre la mémoire, et qui n’en sont pas exempts. Et nous, sans porter des couronnes, recevons-nous avec plus de soumission les ordres de Dieu ? et, aux premières afflictions que le ciel nous envoie, ne paroît-il pas visi-