Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’il est vrai ce que dit le comte Jean-Louis de Fiesque, le jour même qu’il exécuta son entreprise, qu’il étoit averti depuis long-temps que sa perte étoit résolue dans l’esprit de Jeannetin ; et que cet homme injuste et violent, qui n’étoit retenu que par la prudence d’André, voyant que son oncle étoit sujet à de grandes maladies, avoit commandé au capitaine Lercaro de se défaire de tous les Fiesques dans le moment qu’André Doria mourroit ; qu’il avoit des lettres convaincantes par lesquelles il lui étoit aisé de prouver que le même Jeannetin avoit essayé de l’empoisonner par trois diverses fois ; et qu’il étoit, avec cela, très-assuré que l’Empereur étoit prêt de lui mettre entre les mains la souveraineté de Gênes ; si, dis-je tout cela est vrai, je ne pense pas que l’on puisse blâmer avec justice la dissimulation du comte, parce que, dans les affaires où il s’agit de notre vie et de l’intérêt général de l’État, la franchise n’est pas une vertu de saison : la nature nous faisant voir dans l’instinct des moindres animaux, qu’en ces extrémités l’usage des finesses est permis. pour se défendre de la violence qui nous veut opprimer.

Mais si les plaintes de Jean-Louis n’étoient que des calomnies inventées contre la maison de Doria pour donner des couleurs plus honnêtes à son dessein, et pour aigrir les esprits, on ne peut désavouer que ces fausses marques d’amitié données avec tant d’affectation né fussent des artifices indignes d’un grand courage comme le sien. Et sans doute il seroit difficile de justifier une pareille conduite, si ce n’est par la raison de cette nécessité que l’insolence et le pouvoir de Jeannetin lui avoient imposé de vivre de la sorte.

Le comte avoit acheté quatre galères du duc de Plaisance, et les entretenoit de la paie du Pape sous le nom de son frère Hiérôme. Jugeant bien que la chose la plus nécessaire à son entreprise étoit de se rendre maître du port, il en fit venir une à Gênes, sous prétexte qu’il la vouloit envoyer en course au Levant ; et prit en même temps l’occasion de faire entrer dans la ville, sans soupçon, une partie des soldats qui lui venoient de ses terres et de l’État de Plaisance, dont les uns passoient comme étant de la garnison, les autres comme aventuriers qui demandoient à