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DE CONRART.

Le duc de Candale[1] ne fut pas si endurant ; car ayant su que Bartet avoit dit de lui que qui lui auroit ôté ses grands cheveux, ses grands canons, ses grandes manchettes et ses grosses touffes de galans, il ne paroîtroit plus qu’un squelette ou un atome, il le fit épier un jour, sur la fin du mois de juin 1655, comme il passoit à dix heures du matin par la rue Saint-Thomas du Louvre, par onze hommes à cheval, deux desquels se saisirent des rênes des chevaux de son carrosse, deux autres portèrent le pistolet à la gorge du cocher, et deux autres vinrent à lui le pistolet et le poignard à la main. Étant ainsi arrêté, les deux qui s’étoient approchés de lui prirent des ciseaux, lui coupèrent les cheveux, lui arrachèrent son rabat, ses canons et ses manchettes, et après cela le laissèrent aller[2]. D’abord il crut qu’on le vouloit assassiner, et que c’étoit ce même conseiller du parlement de Pau, nommé Casaux, qui est son ennemi dès long-temps (il disoit que c’étoit une vieille querelle entre leurs maisons depuis deux cents ans), qui étoit l’auteur de cette ac-

  1. Le duc de Candale : Fils du duc d’Epernon. C’étoit l’homme le plus recherché de son temps ; il donnoit le ton pour la mode.
  2. Et après cela le laissèrent aller : Cette aventure fit beaucoup rire aux dépens de Bartet. Madame de Sévigné en plaisante avec Bussy-Rabutin dans sa lettre du 19 juillet 1655. Mademoiselle de Montpensier la raconte aussi dans ses Mémoires, tome 41, page 488, de cette série. On fit sur Bartet le couplet suivant :

    Comme un autre homme
    Vous étiez fait, monsieur Bartet ;
    Mais quand vous seriez chez Prudhomme(*),
    De six mois vous ne seriez fait
    Comme un autre homme.

    (*) Prudhomme : C’étoit le nom d’un baigneur.