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DU MARÉCHAL DE GRAMONT. (~66 tj

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cennés, qui étoit sa maison favorite et celle qu’il avoit fait bâtir à son gré, pour y être plus à son aise et plus retiré du grand monde, qui commencoit à le fatiguer dans ses souffrances ; et comme il avoit le meilleur esprit et le plus solide qu’on pût avoir, qu’il sortoit de venir de donner la paix a l’Europe, et de marier le Roi à sa satisfaction, que rien ne manquoit plus à sa gloire, et que du reste il se trouvoit comblé de biens et d’honneurs, il songeoit, en homme aussi sage qu’il étoit, à mettre une sorte d’intervalle entre la vie et la mort, qui est ce qu’il avoit toujours prejeté, et ce qui le faisoit vivre assez retiré à-incennes, néanmoins avec un certain nombre d’amis choisis qu’il ne vouloit jamais qui l’abandonnassent. Sa maladie augmentant, et la goutte commençant à gagner la poitrine, le Roi et les deux Reines vinrent s’établir à Vincennes pour être plus près de lui, et savoir quel seroit le dénouement de sa maladie. Deux mois après, l’hydropisie fut entièrement formée ; et Valot, premier médecin du Roi, qui n’abandonnoit pas le chevet de son lit, lui déclara que l’art de)a médecine ne pouvoit rien à son mal, et qu’il n’y avoit plus que Dieu seul qui le pût tirer de l’état périlleux où il étoit. Il reçut cet arrêt fatal avec un courage et une fermeté de héros. M envoya supplier le Roi, deux jours avant sa mort, de le venir voir et il lui dit tout ce qu’un homme comme lui étoit capable de dire à un jeune prince qu’il avoit toujours respecté et aimé tendrement, et de l’éducation duquel il avoit pris un si grand soin, en lui enseignant cet art de régner qu’il a sibien retenu, et que nous luiavonsdu depuis vu mettré en pratique au-dessus de tous les rois du monde.