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Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/136

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gatienne

tirait en arrière par l’autre bout, la frappant d’une cravache imaginaire en criant :

— Hue !

Et Matta caracolait sur place, sautant sur ses pieds nus, tandis qu’un large rire montrait toute la ligne de ses blanches dents d’Italienne.

Le soleil couché envoyait encore de l’autre côté de l’eau des lueurs de braise. Un crépuscule ardent tombait sur ce coin de paradis, où tout flambait.

Quand le jardin fut désert, la face sournoise du jardinier pointa, ronde et cramoisie, entre deux touffes de lauriers d’Espagne. Il lorgnait la maison, le cou tendu, le regard friand.

Bientôt Matta parut, un peu troublée, regardant derrière elle. En deux sauts, elle l’eut rejoint. Et lui, se reculant, la fit avancer dans le fourré, sous les marronniers. Mais Matta se méfiait. Elle n’avait pas vagabondé jusqu’à douze ans dans les montagnes de l’Esterel, ramassant les fleurettes qu’elle vendait aux étrangers à Nice, sans apprendre, en fille précoce, pourquoi et comment enjôlent les garçons. Il est bien vrai que son tempérament faisait rage, et qu’elle avait au cœur une passion violente pour ce Normand de Jacques,