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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/197

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de Paris avaient ainsi, disait-on, fréquenté cette bonne Alix, qui s’imaginait, peut-être, rendre service à la cause du colonel et ne servait que ses amours.

Comme il commençait à occuper sérieusement les esprits et que sa popularité grandissait, il se prodiguait moins, officiellement, et Mme Deschamps ne comptait pas sur lui, ce soir-là, lorsqu’elle le vit entrer, un peu après minuit, avec déjà son état-major civil de journalistes, d’avocats et de députés.

Cela fit une rumeur dans le bal ; Alix Deschamps exultait, triomphante, éclaboussée du rayonnement de cette future gloire. On se pressait autour d’elle, avec des supplications caressantes :

— Oh ! chère !… oh ! ma belle, présentez-moi, présentez-le…

Elle, pour le sauver d’ennuis, souriait et répondait :

— Chut ! attendez ; il n’est pas encore ministre ! mais bientôt… et alors…, tout ce que vous voudrez, vous savez ? tout !

On désertait le buffet, on oubliait le cotillon ; les femmes ne flirtaient plus ; mais, âpres dans leur ambitieux désir d’attirer sur elles un regard de ce glorieux vainqueur, elles se débarrassaient de leurs poursuivants et tournoyaient, de près ou de loin, le sourire tendu, l’œillade directe ; tandis que les hommes les coudoyaient maintenant, sans vergogne, pour passer devant elles et se rapprocher du colonel.

Lui, habitué déjà à ce remous des foules, souriait, un peu vague, légèrement fat. Et son regard errait, sans se poser, glissant sur tous et sur toutes. Mais, brusquement, son œil bleu se fixa, et une rougeur alluma son visage roux ; se penchant vers Alix, il lui dit :

— Oh ! l’adorable Pierrot qui se cache là-bas ! On dirait une femme, une fillette, plutôt.