Aller au contenu

Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait à choisir ; il a pris un roman de Roger Dablis !

Sylvère recommence à s’effarer : elle ne connaît personne. On lui conseille un très ancien grand journal politique, qui lui avait fait des offres après son premier roman.

Timidement, elle envoie son œuvre.

Puis elle en apprend des nouvelles : on l’a donnée « à lire ».

Certains journaux réservent cette mission à des incapables avérés ; d’autres, à des gens dont ce n’est pas le métier de faire des lettres ; d’autres, à de petits camarades envieux et sans talent, que tout talent sérieux offusque. Si tant de mauvais feuilletons s’étalent en des feuilles bien faites d’autre part, c’est que leur service de lecture est pitoyablement distribué.

Un mois plus tard, le manuscrit de Sylvère lui était rendu ; et le même journal publiait une immense machine portant la marque de fabrique d’un ouvrier de la plus basse littérature.

Cependant quelques écrivains de talent faisaient leur chemin ; mais c’étaient de jeunes hommes bien posés dans le monde. Sylvère pensait :

— Il n’y a rien à faire pour moi, que végéter, comme quelques tranquilles bas-bleus dont nul ne se soucie, ou bien assiéger les bureaux de rédaction, rouler par les cabarets et coucher avec tout le monde.

Elle pensait aussi que si Jules Maurine n’avait plus besoin d’elle, un beau soir elle serait « partie ». Partie pour les étoiles, disait-elle en songeant vaguement à quelque inconnaissable au-delà !

Dans ces heures de découragement, où tout craquait dans sa personnalité morale, Sylvère s’oubliait à rêver à une fin triomphale dans l’apothéose du vice. Cette