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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/243

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chaste imaginait une gigantesque débauche, aboutissant à la chute finale dans le néant.

Elle se demandait si cela ne la vengerait pas délicieusement de la vie, ce coup d’ironie mortelle dans lequel elle se livrerait, corps et âme, et parce qu’il le fallait, parce que c’était la loi et les conditions mêmes de l’existence pour la femme.

Mais elle n’accomplirait pas un obscur sacrifice ; non ! Elle le rendrait public, violent, terrible, afin qu’il épouvantât et fât jaillir le remords de tant de consciences putréfiées, viciées, immondes ! Elle dirait :

— Ah ! vous nous voulez souillées ! Eh bien soit, et me voici ; mais venez tous ! tous ! tous ! J’ouvre mon cœur, mes bras, mes flancs, venez jusqu’à ce que mon cerveau flambe, que la vibration de mes nerfs fasse chanter en moi la musique infernale des passions et des jouissances complètes. Je veux boire à toutes les coupes toutes les ivresses, je veux brûler mes sens et les attiser au feu de toutes les luxures ; et puis, dans un embrasement d’orgie fastueuse, je veux sentir enfin le définitif craquement de mon être s’accomplir. Alors j’aurai été reine ; vous m’aurez adorée dans le prosternement et servie à genoux. Et toutes les gloires vous les rassemblerez autour de mon nom. Vous célébrerez mon génie et vous me rendrez immortelle, parce j’aurai été la plus grande de vos prostituées.

Ensuite elle pleurait.




Mme de Bléry gardait son inquiétude vis-à-vis de Paul, et cependant elle n’avait rien à lui reprocher : il se montrait absolument correct. Chaque semaine, il rencontrait Sylvère, chez elle une fois, et une fois chez sa sœur. Jamais plus, jamais moins.