Aller au contenu

Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fait place, ne sera jamais chez nous qu’un chiffon bon à retrousser ou à cracher dessus.

Et Sylvère pensait qu’après tout, comme il faut se conformer aux mœurs de son pays, si humiliantes soient-elles, les Françaises avaient tort de vouloir entrer en lutte avec leurs concitoyens pour la conquête des situations les plus accessibles même à leur féminité, comme l’art et les lettres.

Et que sages seraient les mères qui enseigneraient leurs filles à tourner leurs fuseaux plutôt qu’à tourner une période. Car on en sait toujours assez pour être ambassadrice, bourgeoise ou catin, et nulle alors ne serait plus tentée de faire œuvre lettrée.

Mme du Parclet caressait la pensée d’écrire une œuvre dernière qui serait le cri d’alarme jeté vers les romanesques aspirantes du régiment des bas-bleus.

Pour cela elle réunissait des notes, des lettres, documents irréfutables qu’elle classait et entremêlait de ses impressions personnelles d’une sincérité violente.

— Si ce n’est pas moi qui écris ce livre, disait-elle, ce sera une autre, quelque audacieuse assez fière pour oser dire à nos ennemis leurs vérités en face, et assez sûre d’elle-même pour n’avoir rien à craindre de leur insolence.

Ensuite, elle pensait qu’ayant renoncé à la lutte, il ne lui resterait plus qu’à se croiser les bras et à regarder venir la belle et pâle mort, la douce amie, l’endormeuse exquise !

Mais songeant à mourir, elle se sentait mieux vivre, comme si tout son être protestait contre cet arrêt cruel. On eût dit que, pour l’attendrir, son cœur s’ouvrait, en un fleurissement de chair épanouie, et fré-