Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/119

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Du Tertre nous parle en effet[1] de la première négresse que les Dominicains achetèrent à la Guadeloupe et « qui avait un port de reine ; tous ses compagnons d’esclavage lui rendaient hommage ».

Ces chances de la guerre et les caprices des princes étaient, malgré tout, des cas exceptionnels. Pour l’ordinaire, les maîtres n’avaient qu’un moyen légal de disposer d’un homme né dans l’état de servitude : c’était de le donner en paiement d’une amende. C’est pourquoi, dès lors que les Européens furent venus en Afrique pour y acheter des esclaves, il arriva que les propriétaires cherchèrent à éluder la loi ou plutôt la coutume en se faisant des querelles concertées d’avance « pour être condamnés tour à tour l’un envers l’autre à des amendes[2] », ce qui leur donnait la libre disposition de leurs esclaves-nés. De plus, les roitelets noirs multiplièrent les occasions de guerre pour se procurer de ce vivant butin d’exportation. C’est aussi grâce aux Européens que furent organisées ces razzias faites par les chefs sur leur propre territoire. « On jette les enfants dans des sacs ; on met un bâillon aux hommes et aux femmes pour étouffer leurs cris. Si les ravisseurs sont arrêtés par une force supérieure, ils sont conduits au souverain qui désavoue toujours la commission qu’il a donnée et qui, sous prétexte de rendre la justice, vend sur-le-champ ses agents aux vaisseaux avec lesquels il a traité[3]. »



IV

Voici comment s’opérait le négoce :

Dans certains cas, « la traite se fait sans descendre à terre, sur les navires, dans les rivières nombreuses qui se jettent

  1. II, 495.
  2. Encycl. méthod. Art. cité.
  3. Ib.