Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/214

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la composition de ces amulettes, il entrait de l’encens, de l’eau bénite, de petits crucifix et « presque toujours du pain bénit de Noël et d’une autre fête solennelle et de la cire du cierge pascal[1] » ; fréquemment il y avait aussi du poison. Les nègres se croyaient en sûreté lorsqu’ils prenaient la fuite portant un macandal ; quoique journellement il leur arrivât d’être pris, ils n’attribuaient leur malheur qu’au défaut d’observation de ce que le distributeur leur avait prescrit. Un arrêt de règlement du Conseil de la Martinique[2], du 7 avril 1758, défendit par l’article 2 à tous affranchis et esclaves de composer, vendre, distribuer ou acheter des macandals, « à peine d’être poursuivis extraordinairement comme profanateurs et séducteurs et punis suivant la rigueur de l’édit de 1682 ». L’article 1er interdit les cérémonies superstitieuses « qu’improprement ils nomment prières à l’occasion de la mort de l’un d’eux ». Ils poussaient en effet des hurlements, ce qui ne les empêchait pas de faire une sorte de festin, quand ils en avaient les moyens. Leur deuil consistait à se vêtir de blanc durant plusieurs jours et à porter le mouchoir de tête plié en demi-mouchoir, mis sans aucun soin et avec les deux bouts pendants par derrière.

Voici un exemple intéressant des abus auxquels ils en étaient arrivés peu à peu en ce qui concerne la religion. Il est tiré d’un arrêt de règlement du Conseil du Cap, du 18 février 1761[3]. Le préambule, très long, reproduit les remontrances qu’a faites à ce sujet le procureur général. Malgré les défenses précédemment enjointes, les esclaves couvrent leurs assemblées « du voile de l’obscurité et de celui de la religion », en se réunissant la nuit dans les églises, qui deviennent ainsi le refuge des fugitifs et même un lieu de prostitution. Comme on a essayé de mettre fin à ces réunions

  1. Arch. Col., F, 245, p. 293. Procès d’un nègre accusé de maléfices, janvier 1755.
  2. Moreau de Saint-Méry, IV, 225.
  3. Moreau de Saint-Méry, IV, 352.