Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/215

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du soir, les domestiques et ouvriers du Cap, très nombreux, se donnent rendez-vous de midi à deux heures, et il est très difficile de les en empêcher. En outre, le jésuite chargé de l’instruction religieuse des nègres remplit seul à l’égard desdits nègres libres et esclaves « toutes les fonctions curiales ». Aussi en sont-ils arrivés à se figurer qu’ils formaient « un corps de fidèles distinct » : ils ont érigé quelques-uns d’entre eux en chantres, en bedeaux, en espèces de marguilliers, et affectent de copier l’usage des fabriques ; quand ils sont réunis, il y en a qui ont accoutumé de catéchiser ou de prêcher les autres ; dans leur zèle, ils vont aussi catéchiser dans les maisons et dans les habitations. Le procureur se plaint encore de ce que « le religieux, chargé de l’instruction des nègres et leur administrant seul tous les sacrements sous ce titre, différait souvent de baptiser les enfants noirs ou mulâtres, par le refus qu’il faisait des parrains et marraines de cette classe, sous prétexte qu’ils n’étaient point assez exacts aux devoirs de la religion ou assez assidus aux exercices spirituels ». Il célébrait aussi des mariages, sans avoir soin de s’assurer auparavant du consentement du curé de la paroisse. — C’est pourquoi l’arrêt du Cap ordonne : Article premier : Les mariages des nègres ne pourront avoir lieu sans le consentement des curés. — Art. 2 : Défense aux prêtres de différer le baptême et de refuser pour parrain et marraine toutes personnes blanches ou noires faisant profession de la religion C, A. et R. — Art. 3 : Défense aux esclaves de s’assembler dans les églises de midi à deux heures et après le soleil couché. — Art. 4 : Défense à tous les esclaves de faire les fonctions de suisse ou de bedeau sous peine du fouet. — Art. 5 : Défense de catéchiser.

Il n’est pas moins curieux de voir attribuer aux Jésuites la cause de tous les méfaits commis par les nègres. Les Jésuites avaient cherché sans doute à les dominer, ce qui leur donnait naturellement un puissant moyen d’influence, si bien que le gouvernement en avait même pris ombrage. En