Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/282

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seulement[1]. » En conséquence, les administrateurs Chateaumorant et Mithon font enregistrer le Mémoire et la lettre susdite au Conseil supérieur de Léogane et du Cap pour qu’ils servent de jurisprudence.

Après cela, il semblerait qu’il ne dût plus y avoir de doute et que la question fut définitivement résolue. Mais cette interprétation ne s’applique qu’à Saint-Domingue. Quelque temps après, l’intendant Blondel, de la Martinique, propose au Ministre de laisser saisir les nègres. Il est vrai que le pouvoir central paraît s’en tenir aux règles adoptées. En effet, le Ministre répond, le 22 février 1724[2] : « Il convient beaucoup mieux que vous continuiez les garnisons aux débiteurs de mauvaise volonté, et cela pourra faire le même effet. D’ailleurs, il n’y a point d’habitation aux îles où il n’y ait des sucres et autres denrées que les créanciers peuvent saisir. Si cependant, quand vous aurez pris une connaissance plus étendue du pays, vous persistiez dans le même sentiment par rapport à la saisie des noirs, je proposerai au roi de la permettre, mais elle ne peut être praticable qu’à la Martinique seulement, attendu que cette île est la mieux établie. Je vous observerai cependant qu’il est à craindre que cela n’empêche les cultures, sans rendre les habitants plus sages. »

Comme on ne pouvait pas saisir les nègres, il arrivait qu’on les prît en nantissement de sommes prêtées, ainsi qu’il ressort d’un arrêt de règlement du Conseil du Petit-Goave, du 14 mars 1726[3], qui interdit comme abusive cette façon de procéder. Le Procureur général avait, en effet, remontré que c’est « un gage et non une hypothèque » ; de plus, les prêteurs « prennent non seulement des nègres en hypothèque bien au-dessus de la valeur des sommes qu’ils prêtent, mais

  1. Par le traité d’Utrecht, le roi exemptait les sujets de la Grande-Bretagne du droit d’aubaine par rapport à leurs meubles et marchandises.
  2. Arch. Col., B, 47, p. 674.
  3. Moreau de Saint-Méry, III, 163.