Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/314

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châtiment. Sauf de rares exceptions, en effet, concernant les natures sur lesquelles la religion parvint à exercer une certaine influence, il fut essentiellement vicieux. Et comment s’en étonner, alors qu’il lui était seulement permis de rechercher les plus grossières jouissances ? Le régime auquel il fut soumis fut celui de la contrainte perpétuelle : contrainte pour obtenir de lui un travail incessant, contrainte pour réprimer ses délits et se prémunir contre ses attentats. Nous réserverons pour le chapitre suivant le délit si fréquent du marronage, qui fut l’origine de tentatives de révolte générale et par là peut fournir la matière d’une étude spéciale. Occupons-nous donc simplement des esclaves vivant sur les habitations de leurs maîtres.

La première nécessité est celle d’établir une stricte discipline. L’esclave dont on est mécontent ne saurait en effet être renvoyé comme un domestique ou un ouvrier. Il faut des moyens plus coercitifs. Ici encore il y a lieu de distinguer d’abord la minorité des nègres qui servaient leurs maîtres dans la maison et qui, généralement mieux traités, avaient une situation se rapprochant en somme notablement de la domesticité des blancs, avec cette différence toutefois qu’ils étaient en principe assujettis à une obéissance passive et que leur sort dépendait uniquement du caractère bon ou mauvais de leurs maîtres. Mais le grand nombre de ceux qui composaient les ateliers ou travaillaient au jardin étaient confiés à des économes et des gérants, qui eux-mêmes les faisaient marcher à l’aide de commandeurs. Or ces représentants du maître étaient la plupart du temps beaucoup plus durs que ne l’eût été sans doute le propriétaire lui-même. L’absentéisme des colons a certainement beaucoup influé sur les mauvais traitements infligés aux esclaves. La manière ordinaire de se faire obéir, c’est à l’aide du fouet. « Le fouet, a écrit M. Schœlcher[1], est une partie intégrante du régime colonial ;

  1. Colonies françaises, p. 84.