Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/354

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condamner à une peine assez sévère, les administrateurs ont accepté ; ils ont décidé que l’argent servirait aux fortifications et que les nègres mutilés seraient adjugés à l’hôpital. Ils ajoutent : « Cette affaire nous a fait penser à la nécessité qu’il y aurait d’avoir pour ce pays une loi qui réprimât les abus que les maîtres inhumains font de leur autorité. » Le Ministre leur répond alors[1] qu’on s’était déjà plaint des mauvais traitements exercés à Saint-Domingue sur les esclaves, mais sans préciser ; que les détails donnés par eux prouvent qu’il n’y avait malheureusement pas d’exagération, et que Martin méritait une punition ; mais qu’ils ont pris avec lui un engagement contraire à toute règle. Le roi consent toutefois à l’autoriser exceptionnellement.

Un arrêt du Conseil supérieur de la Guadeloupe, du 4 novembre 1743[2], condamne au bannissement des îles, pour neuf ans, le sieur Langlois, coupable de traitements inhumains envers ses esclaves. D’autre part, le Ministre écrit à M. de Machault, gouverneur de la Martinique[3], pour lui reprocher de trop écouter les plaintes des nègres contre leurs maîtres, leur nombre « beaucoup supérieur aux autres obligeant à leur ôter tous les moyens de sentir qu’ils peuvent se procurer la liberté ou de connaître leurs forces ». — Il est à noter que les affranchis se montrent peut-être plus durs encore que les blancs à l’égard de leurs anciens compagnons d’esclavage. Ainsi une négresse libre de Saint-Domingue fait périr une de ses esclaves à coups de bâton ; elle est déclarée déchue de sa liberté pour toujours et vendue au profit du roi ; tous ses biens sont également confisqués, sauf 24 livres prélevées pour faire prier Dieu pour l’âme de l’esclave morte[4]. — Un habitant, qui avait voulu abuser d’une négresse en prison et avait exercé des violences sur le con-

  1. Moreau de Saint-Méry, III, 674, 25 juillet 1741.
  2. Arch. Col., F, 226, p. 63.
  3. Arch. Col., F, 250, p. 241, 26 décembre 1743.
  4. Arch. Col., Code Saint-Domingue, F, 271, p. 165, 14 janvier 1744.