Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/377

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parce qu’ils ne sont pas assez sévèrement châtiés et que la punition n’est jamais assez prompte ni visible. Ils en sont venus jusqu’à envahir les habitations, et ils ont violé la femme d’un habitant ; ailleurs, ils en ont tiré par les cheveux une autre qui, venait d’accoucher depuis dix-huit heures, l’ont foulée aux pieds, ont voulu casser la tête au nouveau-né « et ont obligé la mère, pour lui rendre son enfant, de baiser le derrière à l’un des nègres[1] ». Une lettre du Ministre, du 19 mars 1726, aux administrateurs de la Martinique[2], nous apprend qu’il y a à la Guadeloupe, suivant le rapport que lui a fait M. de Crapado, lieutenant par intérim, « plus de 600 nègres marrons qui sont attroupés en quatre bandes, qui envoient journellement des détachements de 60 à 80 hommes pour piller les habitations ; et, quoiqu’il y ait continuellement des détachements des milices après eux, on n’a pu éviter les vols et les enlèvements de négresses et de vivres qu’ils font sur les habitants. » Le Ministre se déclare surpris que les administrateurs ne lui en aient rien dit, et il leur prescrit de faire le nécessaire. Mais il écrit bientôt à De Feuquières[3] que « M. de Crapado a beaucoup exagéré les désordres des nègres marrons », que, suivant une lettre de M. de Moyencourt, ils étaient au plus 200 et que les désordres qu’ils avaient causés n’allaient pas à 100 écus. Toute cette affaire laisse supposer que les administrateurs ne tenaient pas en réalité toujours le pouvoir central au courant de ce qui se passait aux îles.

Un arrêt du Conseil de la Martinique, du 13 septembre 1726[4], au sujet des esclaves saisis, épaves ou criminels,

  1. À la suite de ces désordres, on crée une chambre royale à la Grenade pour juger les nègres en dernier ressort. Arch. Col., B, 48, p. 321. Lettre d’envoi de lettres patentes aux administrateurs. Les lettres patentes sont p. 424, en date de janvier 1726.
  2. Arch. Col., B, 48, p. 322. À MM. de Feuquières et Blondel. Le même jour, même lettre à M. de Moyencourt. Cf., F, 134, p. 3. Lettre de De Crapado, du 10 septembre 1726.
  3. Arch., Col., B, 48, p. 400, 13 octobre 1726.
  4. Durand-Molard, I, 283.