Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/70

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paiement, et les noirs étaient toujours affectés à une hypothèque privilégiée jusqu’à ce qu’ils eussent été entièrement payés. Ce n’est qu’au fur et à mesure des règlements de comptes que les Compagnies en apportaient de nouveaux ; si les colons se plaignent sans cesse qu’ils n’en ont pas assez, le motif principal en est, croyons-nous, dans les retards constants qu’ils mettent à acquitter leurs dettes[1].

À ce moment, le roi, pour mettre un terme à la « disette de nègres », se résout à « envoyer un de ses vaisseaux au Cap Vert avec de l’argent pour en acheter et les faire passer de là auxdites îles, où ils seront vendus pour le compte de Sa Majesté, et Elle fera mettre sur ce bâtiment un équipage un peu plus fort que ceux qu’ont accoutumé d’avoir des vaisseaux qui font ce commerce, afin de servir en même temps à chasser les interlopes de cette côte[2]. » Voilà donc Louis XIV lui-même qui se fait traitant ! Mais c’est uniquement dans l’intérêt de ses sujets des colonies. En effet, les administrateurs de la Martinique démontrent que non seulement les 2.000 noirs au sujet desquels on les a consultés ne seraient pas de trop, mais qu’il en faudrait au moins 6.000 tout de suite. C’est à peine si les arrivants remplacent les morts, et les parents n’en peuvent point donner à leurs enfants pour créer de nouveaux établissements. Il n’y aurait qu’à tirer des noirs des colonies étrangères, ce qui serait le

  1. Cf. Arch. Col., C8, 4. Blenac et de Goimpy constatent, le 8 juillet 1686, que les Compagnies sont très inexactes à remplir leurs engagements. « Cependant il y a des profits pour elles très considérables à faire dans la vente des nègres qu’elles y enverraient ; mais, n’ayant aucune attention et appliquant ailleurs les privilèges que Sa Majesté leur a accordés, elles négligent le transport des noirs dans les îles. » Pourquoi, si ce n’est parce qu’il leur fallait faire un trop long crédit ? C’est la raison que donne aussi un mémoire de 1705, à propos de la Compagnie d’Afrique. Arch. Col., C6, 3 : « Il y a encore deux choses qui la ruinent : la première est la vente médiocre qu’elle fait de ses nègres aux îles de l’Amérique par le peu de bonne foi de ceux qui s’en mêlent, et l’autre est le crédit qu’elle fait à plusieurs personnes insolvables. » D’après l’auteur, il faudrait ne vendre qu’au comptant, et, de plus, avoir dans chaque île une petite habitation pour y refaire les nègres malades avant de les vendre.
  2. Arch. Col., B, 12, p. 15. Mém. du roi, 30 septembre 1686.