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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/51

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négresse assez bien habillée travailler aux toilettes de femme les plus élégantes et aux broderies les plus délicates. Je croyais souvent rêver en voyant ces pauvres créatures, que je m’étais figurées comme des sauvages libres et vivant dans leurs forêts natales, occupées dans les boutiques et dans des chambres à des travaux qui demandent tant de soins. Et cependant cela ne semble pas leur être aussi pénible qu’on pourrait le croire ; elles se mettaient toujours gaiement et avec plaisir à leur travail.

Dans les classes qu’on appelle d’ordinaire éclairées, il y a des gens qui, après tant de preuves d’adresse et d’intelligence données par les noirs, les mettent encore si au-dessous des blancs qu’ils les considèrent à peine comme une transition entre le singe et l’homme. J’admets volontiers que, sous le rapport de l’instruction, ils n’approchent pas des blancs ; seulement il ne faut pas, je crois, en chercher la cause dans leur manque d’intelligence, mais dans le manque complet d’éducation. Il n’y a pas d’école établie pour eux ; ils ne reçoivent aucune instruction ; en un mot, on ne fait rien peur développer leurs facultés intellectuelles. On les maintient à dessein dans une sorte d’enfance, suivant le vieil usage des États despotiques, car le réveil de ce peuple opprimé pourrait être terrible.

Les noirs sont quatre fois plus nombreux que les blancs, et, le jour où ils viendraient à comprendre quelle force met en leurs mains cette supériorité numérique, la population blanche pourrait bien prendre la place qui est occupée aujourd’hui par les malheureux noirs.

Mais je m’égare dans des hypothèses et des considérations qui sont exclusivement du domaine des hommes compétents ; une femme est peu capable de juger ces hautes questions : elles ne sont pas à sa portée. Après tout, je n’ai voulu qu’énoncer simplement mes idées sur ce sujet.

Quoique au Brésil, le nombre des esclaves soit très-considérable on n’y trouve cependant nulle part un