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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/52

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marché d’esclaves. La loi défend d’en introduire, mais chaque année on en introduit et on en vend plusieurs milliers par des voies soi-disant secrètes, que tout le monde connaît et dont tout le monde profite. Des vaisseaux anglais croisent continuellement, il est vrai, sur les côtes de l’Afrique et du Brésil ; mais quand un vaisseau d’esclaves leur tombe entre les mains, les pauvres noirs sont aussi peu libres que s’ils étaient arrivés au Brésil. On les transporte dans les colonies anglaises, où ils devraient être libres au bout de dix ans ; mais avant ce terme les possesseurs les font presque tous mourir sur le papier, et les pauvres esclaves… restent esclaves. Cependant, je le répète, je ne sais rien là-dessus que par ouï-dire.

Du reste, le sort des esclaves n’est pas si mauvais que se l’imaginent beaucoup d’Européens. Au Brésil, ils sont en général assez bien traités ; on ne les écrase pas de travail ; ils ont une nourriture bonne et saine, et les punitions ne sont ni trop fréquentes ni trop rigoureuses. La désertion seule est sévèrement punie : on commence par rouer de coups les nègres marrons qu’on reprend, puis on leur met aux pieds et au cou des fers qu’ils sont obligés de porter assez longtemps. Un autre genre de punition consiste à appliquer sur le visage du condamné un masque de fer-blanc, attaché derrière la tête au moyen d’un cadenas. On inflige ordinairement cette punition aux ivrognes et à ceux qui mangent de la terre et de la chaux. Pendant mon long séjour au Brésil, je ne vis qu’un seul nègre se promener avec un masque de ce genre. J’oserais presque prétendre que le sort de ces esclaves est, en somme, moins cruel que celui des paysans russes, polonais ou égyptiens, qui n’ont pas le nom d’esclaves.

À ma grande satisfaction, je fus un jour priée par un nègre de lui servir de marraine ; mais dans cette cérémonie il ne s’agissait ni de baptême, ni de confirmation. Lors-