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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/66

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tablement de l’héroïsme pour demeurer seul dans une plantation au milieu de plusieurs centaines d’esclaves, loin de tout secours et avec la perspective d’être perdu sans ressource à la première révolte.

Cet amour extraordinaire du gain n’est pas propre exclusivement aux hommes ; il se trouve aussi chez les femmes, et il y a ici une coutume très-répandue qui le favorise beaucoup : c’est que le mari, au lieu de donner à sa femme ce qu’on appelle des épingles, lui achète, suivant ses moyens, un ou plusieurs esclaves mâles ou femelles, dont elle peut disposer à son gré. La femme fait ordinairement apprendre à ses esclaves à faire la cuisine, à coudre et à broder, ou même à exercer des métiers, et elle les loue ensuite au jour, à la semaine ou au mois[1] à des gens qui n’ont pas d’esclaves ; ou bien elle les autorise à blanchir dans sa propre maison le linge de personnes étrangères, ou encore elle leur fait exécuter d’élégants travaux et de fines broderies qu’elle les envoie ensuite vendre dehors. L’argent qu’elle en retire ainsi est ordinairement consacré à sa toilette et à ses menus plaisirs.

Chez les gens d’affaires et les artisans, si la femme aide son mari dans ses travaux, ce n’est que moyennant un salaire.

En général, au Brésil, les mœurs sont peu satisfaisantes. La corruption qui y règne peut en grande partie être imputée à la première éducation des enfants, qui est entièrement abandonnée aux soins des nègres. Ce sont des négresses qui leur servent de nourrices, de gouvernantes et de surveillantes, et j’ai vu souvent de petites filles de huit à dix ans que de jeunes nègres accompagnaient à l’école ou partout ailleurs. La sensualité des noirs est trop

  1. Ils sont payés en proportion de leur service. Le prix habituel pour une servante ordinaire est, par mois, de 5 à 6 milreis, pour un cuisinier de 12, pour une nourrice de 20 à 22, pour un artisan adroit de 25 à 35.