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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/80

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route pavée mène, à travers des forêts vierges, à la cime de la montagne. Je m’étais toujours figurée que dans une forêt vierge les arbres devaient avoir des troncs d’une grosseur et d’une hauteur extraordinaires : ce ne fut pas ce que je trouvai ici ; probablement la végétation est trop forte, et les troncs principaux sont étouffés par la masse des petits arbres, des lianes et des plantes grimpantes : Ces deux dernières espèces sont si nombreuses et couvrent tellement les arbres, que souvent on en aperçoit à peine les feuilles : ce n’est pas pour en voir les troncs. Un botaniste, M. Schleierer, nous assura avoir trouvé une fois sur un arbre des lianes et des plantes grimpantes de six espèces différentes.

Nous fîmes une riche récolte de fleurs, de plantes et d’insectes, et nous parcourûmes gaiement notre chemin, charmés par les forêts magnifiques et par les vues non moins ravissantes qui s’ouvraient devant nous, au delà de la montagne et de la vallée, jusqu’à la mer avec ses baies, et jusqu’à la capitale du Brésil.

De nombreuses truppas[1] conduites par des nègres, ainsi que des piétons isolés que nous rencontrions à chaque instant, nous ôtèrent toute crainte, si bien que nous ne fûmes nullement effrayés de voir un nègre nous suivre constamment. Mais quand nous nous trouvâmes seuls dans un endroit un peu écarté, il s’élança subitement, en tenant d’une main un long couteau, et de l’autre un laso[2] ; il se jeta sur nous et nous donna à entendre, plus par gestes que par paroles, qu’il voulait nous entraîner et nous tuer dans la forêt.

  1. Par une truppa, on entend dix mulets conduits par un nègre ; ordinairement plusieurs truppas se réunissent ; il se forme souvent ainsi des convois de 100 à 200 mulets. On sait que dans le Brésil tous les transports se font à dos de mulet.
  2. Le laso est une corde terminée par un nœud coulant. Les indigènes de l’Amérique du Sud savent s’en servir avec une incroyable adresse ; c’est avec le laso qu’ils prennent les animaux sauvages.