Aller au contenu

Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous ne portions pas d’armes avec nous, puisqu’on nous avait représenté ce pays comme tout à fait sans danger, et nous n’avions pour nous défendre que nos parasols. Je possédais un couteau de poche, que je tirai à l’instant, et je l’ouvris, fermement décidée à vendre chèrement ma vie. Nous évitâmes les coups autant que nous le pouvions avec nos ombrelles : mais les ombrelles ne tinrent pas longtemps ; de plus, le nègre parvint à saisir la mienne ; en essayant de me l’arracher, il la cassa et il ne me resta dans la main qu’un bout du manche ; pendant ce combat, le couteau avait échappé des mains du nègre et roulé à quelques pas : je me précipitai promptement dessus, et je croyais déjà le saisir, quand lui, plus rapide que moi, me repoussa de la main et du pied et s’empara de nouveau de son arme : il la brandit furieux au-dessus de ma tête et me fit deux blessures, dont, l’une assez profonde, au haut du bras gauche[1] : je me regardais comme perdue, et le désespoir seul me donna le courage de faire aussi usage de mon couteau. Je portai un coup dans la poitrine du nègre ; il l’évita et je le blessai profondément à la main. Le comte sauta sur lui et le saisit par derrière, tandis que je me hâtais de me relever. Tout cela s’était passé dans l’espace de quelques instants ; la blessure qu’il avait reçue avait rendu le nègre furieux ; il grinçait des dents comme un animal féroce et brandissait son couteau avec une rapidité terrible. Bientôt le comte reçut aussi une blessure qui lui déchira toute la main, et nous étions perdus si Dieu ne nous avait envoyé du secours. Nous entendîmes des pas de chevaux sur le pavé, et immédiatement le nègre nous laissa et se sauva dans la forêt. L’instant d’après, deux cavaliers parurent au coin de la route ; nous

  1. Dans le récit de cette excursion, qui parut à Vienne, en septembre 1847, pendant que j’étais encore en voyage, dans les Sonntags-Blætter (feuilles de dimanche) de M. A. Frankl, je ne dis rien de ma blessure, pour ne pas inquiéter mes amis et mes parents.