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Page:Phelan - Les deux anneaux (légende de la Nouvelle-France), 1853.djvu/38

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eut recours au commissaire qui, prévenu qu’il ne s’agissait que d’une simple enveloppe de lettre, n’en institua pas moins sur le champ une minutieuse enquête, faisant seulement observer au solliciteur que, selon toute probabilité, le papier qu’il cherchait avait été mis au déchet comme on le faisait de toutes les enveloppes trouvées dans l’hôtel, pourvu toutefois qu’il n’y eut rien dedans. Cette dernière remarque acheva de déconcerter Bronsy et il se vit sur le point de faire un aveu que la nécessité seule pouvait arracher à sa discrétion ; mais le commissaire s’était déjà éloigné pour donner ses ordres au concierge, de qui il apprit que M. Boldéro était la seule personne du dehors qui eut paru dans l’hôtel depuis le départ des troupes. Instruit de ce fait, Bronsy se sentit quelque peu rassuré ; il pensa que si M. Boldéro s’était donné la peine d’emporter une enveloppe, c’est qu’il s’était aperçu qu’elle valait plus qu’un simple chiffon de papier et que comme il avait occasion de voir celui à qui elle était adressée, il était trop honnête homme pour ne pas la lui remettre immédiatement. Cependant il fallait attendre le résultat des recherches que le concierge était allé faire, à son tour. On sut de lui enfin que l’objet tant cherché n’était pas dans la maison ; que sa femme, qui n’en était sortie que depuis une demi-heure, avait vu elle-même M. Boldéro entrer dans le cabinet désigné, ainsi qu’elle l’avait dit avant de sortir ; qu’il y était resté longtemps et que nul autre n’y était pénétré, ajouta le concierge, si ce n’était sa femme. Voilà tout ce que constatait l’enquête faite. Mais il en ressortait un renseignement précieux pour Bronsy qui s’en autorisa pour persister dans la présomption qu’il avait déduite du premier rapport. Le commissaire fut de son avis, mais il le pria, dans le cas où ils se tromperaient tous les deux, de vouloir bien l’en avertir.

Rendu à l’espoir et presque à la joie, Bronsy alla de suite chez M. Boldéro ; mais les gens de la maison où celui-ci logeait lui annoncèrent qu’il était sorti ; on ne pouvait pas lui dire à quelle heure il reviendrait, parce qu’il s’occupait d’un feu d’artifice qui se donnait sous son patronage et pour lequel il avait fait transporter une quantité de matériel à l’Auberge du Castor où il avait promis de se trouver à huit heures. Il en était six quand Bronsy sortit de cette maison. Un intervalle de deux heures le séparait donc encore de la minute où, pensa-t-il, il lui serait possible de rencontrer son homme, à moins que ce dernier ne s’avisât de venir le voir chez-lui. Bronsy allait donc se diriger vers sa demeure, lorsque, se rappelant tout à coup sa promesse au chef Adario, il résolut de faire immédiatement les démarches qu’il s’était proposées pour la mettre à exécution. Cela fait, il reprit en toute hâte le chemin qui conduisait à son logis, où nous allons le laisser se reposer un instant.

Huit heures venaient de sonner à toutes les églises. Le soleil était descendu sous l’horizon, escorté de nuages que ses derniers rayons éclairaient encore au-dessus de la montagne, lorsque les jeunes gens à qui M. Boldéro avait promis de donner une fête, s’étant réunis à l’Auberge du Castor, en sortirent pour se rendre sur l’ilot, lieu qui leur était assigné comme le plus convenable pour la circonstance. Les embarcations, dont la privation leur avait été si pénible, la veille, à l’arrivée des représentants des tribus sauvages, furent cette fois bientôt dégagées des liens qui les retenaient au rivage. C’est que le danger prévu en premier lieu n’était plus à craindre. Les indiens logés avec tout le confort qui leur convenait, près des bastions, pouvaient de là contempler en toute sûreté les merveilles pyrotechniques de la soirée. Dans un instant la partie la plus centrale du port se couvrit de canots. Arrivés à leur destination, les jeunes gens se mirent aussitôt en devoir d’accomplir leur tâche. De longs moments furent employés aux préparatifs qu’elle exigeait.

Ils touchaient au terme de leurs premières opérations et se disposaient à commencer enfin le spectacle dont ils espéraient réjouir toute la ville, lorsque survint, hélas ! l’orage dont le pronostic ne s’était que trop manifesté au coucher du soleil.

La plupart se sauvèrent dans leurs embarcations et n’en arrivèrent pas moins à la ville trempés jusqu’aux os. Les autres coururent se réfugier sous une tente qui avait été dressée sur l’îlot pour l’usage des quelques indiens à qui était confiée la garde des canots de leurs chefs. Par bonheur, ils la