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méditation VI

lui faire croire que toute espérance ne lui serait pas interdite. Enfin il me quitta ; j’allai me coucher et dormis tout d’un somme. Mais le lendemain fut le jour du jugement ; j’examinai ma conduite de la veille et je la trouvai répréhensible. J’aurais dû arrêter Verseuil dès les premières phrases et ne pas me prêter à une conversation qui ne présageait rien de bon. Ma fierté aurait dû se réveiller plus tôt, mes yeux s’armer de sévérité ; j’aurais dû sonner, crier, me fâcher, faire enfin tout ce que je ne fis pas. Que vous dirai-je, monsieur ? je mis tout cela sur le compte des truffes ; je suis réellement persuadée qu’elles m’avaient donné une prédisposition dangereuse ; et si je n’y renonçai pas (ce qui eût été trop rigoureux), du moins je n’en mange jamais sans que le plaisir qu’elles me causent ne soit mêlé d’un peu de défiance. »

Un aveu, quelque franc qu’il soit, ne peut jamais faire doctrine. J’ai donc cherché des renseignements ultérieurs ; j’ai rassemblé mes souvenirs, j’ai consulté les hommes qui, par état, sont investis de plus de confiance individuelle ; je les ai réunis en comité, en tribunal, en sénat, en sanhédrin, en aréopage, et nous avons rendu la décision suivante pour être commentée par les littérateurs du vingt-cinquième siècle.

« La truffe n’est point un aphrodisiaque positif : mais elle peut, en certaines occasions, rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables. »

On trouve en Piémont les truffes blanches, qui sont très-estimées ; elles ont un petit goût d’ail qui ne nuit point à leur perfection, parce qu’il ne donne lieu à aucun retour désagréable.

Les meilleures truffes de France viennent du Péri-